Le nom de la commune de Chuelles a probablement un lien avec l’élevage de mouton qui resta longtemps l’activité principale du plateau de l’Hermois, ce, jusqu’aux désastres de la Guerre de Cent Ans.
Chuelles comprend 1070 habitants, les Chuellois et Chuelloises.
Chuelles est située au cœur d’une zone, regroupant trois communes, consacrée à l’extraction et au raffinement du pétrole, ce qui contribua à lui donner le nom de « Texas français ».
Les événements qui ont marqué Chuelles
En 1778, les archives citent Louis Luquet "maître des petites écoles". Il est probable qu’un établissement scolaire ait existé avant cette date. Toutefois, sous l’Ancien Régime et jusqu’au XlXe siècle, l’école n’est pas perçue comme une institution indispensable : dans l’esprit des gens il n’est de vrai labeur que le travail manuel.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 1816 sur 1200 habitants, Chuelles ne compte que trente écoliers, et encore… l’hiver ! Pour ce qui est de mai à octobre, ils ne sont plus qu’une quinzaine. Les parents rechignent à laisser les enfants partir en classe alors qu’il y a tant à faire dans les champs !
Le résultat de cette quasi-absence de scolarisation se fait sentir à Chuelles comme dans toutes les campagnes. La plupart des habitants ne savent ni lire ni écrire. Favorisant la crédulité, le manque d’instruction laisse la part belle aux sorcières de tous poils.
Si les églises ont perdu des fidèles à cause de la Révolution, les enchanteurs et désensorceleurs divers gagnent des clients ! En 1850, le curé de Chuelles rapporte : "Les superstitions sont nombreuses et générales, parmi mes paroissiens : tout d’abord, ils croient aux sorciers et à l’efficacité de leurs artifices, aussi compte-t-on plus de vingt personnages hommes et femmes faisant publiquement profession de cet art et faisant redouter au plus haut degré.
Les enchanteurs guérissent les fièvres, le chancre, les maux de dents, les maladies des yeux. Il en est de même pour les maladies d’animaux".
De nouvelles voies de communication
Le développement du trafic allait désenclaver la commune et la sortir peu à peu de l’obscurantisme.
Au XIXe siècle, la foire aux bestiaux qui avait lieu en mai, prit une exceptionnelle ampleur. Chuelles était située sur l’ancien "chemin des boufs". Cette route qui remonte du Morvan à destination de Paris, permettait le passage des troupeaux tout au long de l’année.
Le commerce de bestiaux était très important dans le village : sous l’Ancien Régime, Chuelles avait son propre système de mesures pour peser les animaux. Quant aux grains, on s’en tenait à celui de Château-Renard ou de Courtenay. Les foires attiraient une foule considérable.
Ces manifestations entraînèrent l’ouverture de nouveaux cafés : au XIXe siècle, il y en eut jusqu’à six dans le bourg de Chuelles ! La foire du 6 mai 1849 fit date dans la vie de la commune. Ce fut une réussite totale : cette année-là, la foire aux bestiaux de Chuelles fut à son apogée.
Parallèlement au développement de cette activité, on construisait la nationale 60.
Avant la Révolution, une route sinueuse reliait Montargis à Courtenay. A la Restauration, on se mit à étudier un tracé plus direct. Les Chuellois espéraient le passage de la route dans le pays : cela leur fut refusé en 1822. Les travaux de construction durèrent jusqu’au milieu du XIXe siècle. Ils firent l’objet de nombreuses polémiques dans les communes traversées.
Mise à l’écart, de la route nationale 60, Chuelles allait également être dédaignée par le chemin de fer. L’installation de la ligne de Sens marquant pourtant un tournant important dans la vie de la commune. En 1874, on inaugura la gare de Chuelles Douchy et on bénit les machines.
La gare, située en pleine campagne, à quatre kilomètres du bourg, était sur la commune de Triguères, mais qu’importe ! Chuelles avait sa gare. Une voiture à cheval assurait la navette pour le transport des voyageurs et du courrier. Un hameau se construisit autour de la gare de Chuelles, avec un café-épicerie et même une école.
Le XXe siècle
Au début de ce siècle. les châteaux de Chuelles disparurent. Les restes de celui du Verger furent utilisés pour bâtir une demeure bourgeoise.
Le manoir de la Hure fut rasé et, en 1921, c’est le château des Rosets qui tomba aux mains des maçons. Les pierres furent récupérées et servirent à d’autres constructions.
Après l’hécatombe de la Grande Guerre durant laquelle Chuelles perdit 59 jeunes hommes, le village connut l’épisode dramatique de "l’affaire Carmignac" au cours de la guerre de 1939-45.
La famille Carmignac habitait sur la place de Chuelles, face à l’église. Mme Carmignac tenait une épicerie. Lucien Carmignac avait constitué une cellule de Résistance qu’il animait avec patriotisme. Il fut dénoncé le 8 juillet 1943. La Gestapo se présenta à son domicile à deux heures du matin.
Une terrible fusillade éclata au côtés de laquelle Lucien Carmignac et son fils Norbert furent tués. Un autre fils Carmignac, Roger, fut grièvement blessé et envoyé en déportation ainsi que Mme Carmignac. Mais avant de mourir, Lucien Carmignac avait tués plusieurs Allemands. "La Gestapo y avait mis le paquet, rapporte le père Ozanne, curé de Chuelles au moment des faits, il est qu’il fallait mettre le paquet pour venir à bout d’un homme de la trempe de M. Carmignac. Criblé de balles, il succomba sous le nombre des assaillants."
Aujourd’hui, une plaque commémorative apposée sur la maison rappelle le souvenir de ces héros chuellois.
Les Giberniots
"Bientôt, vous irez rendre visite aux Giberniots ?", me demandait un lecteur il y a quelques semaines. Car les habitants de Chuelles sont appelés aussi les Giberniots. Michel Métais a consacré un long article à l’épineux sujet.
Plusieurs théories s’affrontent afin d’expliquer ce surnom. Il en est une qui fait référence à la guerre de Cent Ans. "Le hameau des Gibarts, explique Michel Métais, se trouvait au cœur du secteur dévasté et ses survivants furent contraints pendant des décennies d’adopter des habitudes d’hommes des bois. Cette vie d’errance aurait fait surnommer les rescapés des Gibarts, les Gibarniots ou Giberniots.
Autre hypothèse : le sobriquet viendrait de ce que les hommes de Chuelles portant une musette ou giberne, habitude rapportée des guerres de la Révolution et du Premier Empire.
Si la dernière supposition n’est pas la plus obligeante pour les Chuellois, elle est, de loin, la plus croustillante. Toujours selon Michel Métais, "Aristide Bruant classe le mot giberne parmi les synonymes méprisants de prostituées, filles à soldats en quelque sorte. Quelques bonnes âmes de la périphérie de Chuelles insinuèrent que les enfants nés moins de 10 mois après le passage des cosaques en 1814 étaient sortis de la giberne des cavaliers de l’hetman platov. Tous des Giberniots !
Copie d’un article paru dans l’Eclaireur du Gâtinais n° 2786 du 25 mars 1999 :
(Documentation sur l’histoire de Chuelles par Monsieur l’abbé Besnault, Histoire de l’Hermois par Paul Gache, Chroniques des usages et du parler Gâtinais par Michel Métais.)